Pelé est mort
Publié : 29 décembre 2022 à 20h13 par Nicolas Georgeault
Pelé
Le footballeur brésilien s’est éteint à l’âge de 82 ans. Il était atteint d’un cancer depuis plusieurs années.
Pelé, une précocité unique
Le Brésil vient de perdre la finale de la Coupe du monde 1950 face à l’Uruguay. Dans l’Etat de Sao Paulo, le jeune Pelé, neuf ans, voit son père en pleurs : « Jésus, pourquoi avons-nous été punis ? [...] Est-ce un péché d’avoir la meilleure équipe ? » implore-t-il. Pour Pelé, c’est un jour « qu’il n’oubliera jamais ». Il fait la promesse à son père, un jour il sera champion du monde.
Huit ans plus tard « O Rei » (le roi) soulève la Coupe Jules Rimet pour la première fois. Depuis son plus jeune âge, Edson baigne dans le monde du football. Il accompagne son père lors de ses entrainements au Vasco de Gama alors qu’il ne parle pas encore. Il y hérite de son surnom à l’âge de trois ans. Alors qu’il joue avec le gardien du club, son père remarque qu’il essaye de prononcer le nom du gardien Bilé qui se transforme en « Pilé ». Ce nom deviendra ensuite en « Pelé ».
L’ascension du jeune brésilien est fulgurante à l’adolescence. A 13 ans, il intègre le club du Bauru AC. Deux ans plus tard, il suit L’entraineur qui l’avait repéré, Waldemar de Brito à Santos. La même année, il dispute son premier match professionnel et marque son premier but. Il devient rapidement titulaire et un an plus tard, à seulement 16 ans, il est appelé en sélection nationale. Premier match, premier but. Encore.
Il écrit la première grande page de sa légende en Suède, lors de la Coupe du Monde 1958. Le frêle Pelé, pas encore majeur, se révèle en particulier lors des matchs à élimination directe. En quart de finale il inscrit le seul but de la rencontre face aux Pays de Galles. Puis, en demi-finale il rentre dans une autre dimension. Le Brésil passe cinq buts à la France et Pelé marque un triplé. En finale, il touche la grâce et marque deux buts à seulement 17 ans. Il est le plus jeune joueur de l’Histoire à avoir réalisé une telle performance qu’il accompagne d’un but légendaire : « j'ai fait passer le ballon au-dessus de lui d'un petit coup de pied [...] j'ai frappé la balle avant qu'elle ne retouche le sol et c'est rentré. C'est l'un des plus beaux buts de ma carrière. »
Le Brésil efface la tragédie nationale de 1950 et remporte la plus belle des compétitions pour la première fois. Pour Pelé « c’est la Coupe du monde qui change ma vie et façonne mon destin. Pour toujours. » raconte-t-il au Monde en 2019.
Pelé, une légende du football
Après ce sacre Pelé retourne jouer à Santos où son statut salarial n’a pas évolué. Mais au fil des années, il devient presque à lui seul le symbole du club. Un symbole que le club a pris soin de rendre invendable alors que les écuries européennes se bousculent au portillon. Pelé est « trésor national non exportable », il reste au Brésil et devient la star du championnat.
Ce sont les tournées à l’étranger qui développent l’image de Pelé à l’internationale. En 1959, l’équipe s’envole pour une tournée européenne. Au total, il joue 83 matchs : « c’était ridicule [...] nous n’avions pas le temps de nous reposer » écrit-t-il quelques années plus tard dans une de ses biographies. Mais Santos voit désormais en lui une source de profit.
Au fil des années, il enfile les buts et les trophées. Il remporte notamment six championnats du Brésil, deux Copa Libertadores, la Ligue des Champions sudaméricaine en 1962 et 1963. Ces mêmes années, il remporte la Coupe Intercontinentale qui oppose le vainqueur de la Ligue des Champions européenne au vainqueur sudaméricain face à Benfica et au Milan. Santos est le meilleur club au monde à l’époque.
C’est en 1970 qu’il songe sérieusement à quitter le club. Entre-temps, le Brésil a réalisé le doublé en remportant la Coupe du Monde 1962. Blessé, Pelé n’a joué que le premier match et pris une part minime dans ce sacre. Quatre ans plus tard, le Brésil a coulé lors d’un mondial marqué par la violence. A tel point que Pelé se retire de l’équipe pendant deux ans. Absent de la Seleçao, il perd son statut de joueur intouchable.
Il fait tout de même partie de la sélection qui se rend au Mexique. Avec le sélectionneur Saldanha, les tensions sont vives au point que Pelé n’est pas convoqué pour un match de préparation face au Chili. Saldanha est viré et remplacé par Mario Zagallo qui convoque Pelé dans la foulée. L’attaquant a eu chaud. Il est maintenant prêt à se dévouer à l’équipe. Avec Jaïrzinho, Gérson et Tostão, ils forment un quatuor offensif légendaire. Ce Brésil 1970 est l’une des plus belles équipes de l’Histoire. Ils se hissent jusqu’en finale de la Coupe du Monde où ils balayent l’Italie 4-1. Pelé rentre définitivement dans la légende en devenant le seul joueur à avoir remporté trois Coupes du Monde. Il est au faîte de sa gloire.
L’apothéose de sa carrière passée, il reste encore quelques belles années à Pelé avec notamment la saison 1973 où il inscrit plus de trente buts en matchs officiels. Mais ses plus beaux faits d’armes sont derrière lui. Il prend sa retraite internationale en 1971 lors d’un match face à la Yougoslavie. « Fica ! Fica ! » ( « Reste ! Reste ! » ) hurle la foule. Mais les clameurs du public n’y changent rien, le Roi se retire pour de bon. « Il faut partir quand le public veut qu’on reste, pas quand il veut qu’on s’en aille » écrira-t-il bien plus tard.
Trois ans plus tard, en 1974, il tire aussi sa révérence à Santos. Il n’est plus un joueur de football... Mais pas pour longtemps. Pelé a une dette de plusieurs millions de dollars suite à une mauvaise caution bancaire. Il doit aussi beaucoup d’argent au fisc brésilien. Pour pallier ses pertes, il s’engage dans le club américain du New York Cosmos en 1975. Le montant exact du contrat n’est pas connu mais le Brésilien aurait gagné 1,4 millions de dollars par an sans compter les primes et des contrats parallèles. Il devient le sportif le mieux payé au monde. Il évite ainsi la banqueroute, qu’il ne connaitra plus jamais. Un peu avant sa signature, en 1975, Pelé avait même fait un détour par le club libanais d'Al Nejmeh Beyrouth, avec qu’il avait joué un match amical pour éponger ses dettes.
Ce sera finalement le 1er octobre 1977 qu’il arrête définitivement sa vie de footballeur, devant 75 000 personnes dont Mohamed Ali. A 38 ans, il se retire définitivement des terrains de football.
Pelé, le politique
Du temps de sa carrière, Brésilien déborde déjà très largement du terrain. « Pelé a joué au football pendant 22 ans, durant lesquels il a fait davantage pour promouvoir l'amitié et la fraternité à l'échelle mondiale que tout autre ambassadeur » déclare J.B. Pinheiro, ambassadeur du Brésil aux Nations Unies en 1977. A tel point que Pelé est fait « Citoyen du Monde » par les Nations Unies la même année.
Une fois les crampons rangés, la légende brésilienne s’investit dans de multiples œuvres caritatives. En 1994, il devient par exemple le premier sportif nommé ambassadeur de l’UNESCO et il s’investit plus largement dans de nombreuses causes dédiées aux enfants.
Il investit aussi le terrain purement politique puisqu’il devient ministre des sports en 1994 après avoir refusé le poste à deux reprises. A la fin de son mandat, quatre ans plus tard, il arrive à faire passer sa loi emblématique qui permet aux footballeurs de s’engager où il le souhaite, lui qui avait été verrouillé par Santos.
Pelé, l’aura indélébile
L’empreinte laissée par Pelé dans le monde du football est indélébile. Encore aujourd’hui, il est cité parmi les plus grands joueurs de l’Histoire. Mais, son influence a largement dépassé le rectangle vert. Il a investi la pop culture dès sa carrière de footballeur En 1963, il joue son propre rôle dans le film Monde de Nuit, son premier film. Onze autres suivront, jusqu’en 2021.
Une anecdote résume bien son aura. Lorsqu’il joue à Santos, Pelé fait le tour du monde. En 1969, le club se rend au Nigeria. Le pays est alors déchiré par la guerre du Biafra. La légende raconte que le temps du match les armes se seraient tues. Le site officiel de Santos assure que le gouverneur militaire de la région, Samuel Ogbemudia, a décrété un jour férié local. Mais selon, les coéquipiers de Pelé Gilmar et Coutinho, le cessez-le-feu a duré seulement le temps de la rencontre.
Durant son après-carrière, il n’aura eu de cesse de préserver la légende qu’il a construit. Je suis le meilleur buteur de l’histoire (1283) écrit-il dans sa biographie Instagram par exemple. Des statistiques qui font débats puisqu’elles prennent en compte les matchs non officiels. Mais s’il a écrit sa légende sur les terrains durant sa carrière, il a su l’entretenir durant son après carrière. Il reste l’un des meilleurs buteurs de l’histoire et le seul triple vainqueur de la Coupe du Monde ce qui lui offre une aura indélébile. Un exploit pour un joueur des années 1960 qui a beaucoup joué sans les caméras de télévision pour immortaliser ses exploits.